Il n’est plus officiellement en fonction. Mais de sa maison à Club-des-Pins, où il est officiellement à la retraite, le général Toufik, ex patron des renseignements algériens, continue de conseiller et de recevoir des proches ainsi que des dirigeants influents. Depuis septembre 2016, ses relations avec les Bouteflika s’améliorent sensiblement. Le « limogeage » d’Amar Saâdani, l’ex-patron du FLN, en octobre 2016 était le gage exigé par le général pour se réconcilier définitivement avec le clan présidentiel. Une réconciliation saluée par les partenaires américains de l’Algérie et le retour des républicains à la Maison Blanche semblent redonner de la vigueur à la légende du général Toufik. « Un agent exceptionnel » Des les premiers échanges entamés, la nouvelle administration installée à la CIA par Mike Pompeo et leurs homologues au sein de la toute nouvelle Direction des Affaires sécuritaires (DAS), la nouvelle entité qui a remplacé officiellement le DRS depuis fin janvier 2016, le nom du général Toufik est revenu à maintes reprises dans les discussions bilatérales. « Pour les américains, le général Toufik a toujours été un partenaire fiable, un homme d’expérience et un agent exceptionnel », confie à Mondafrique un lieutenant-colonel encore en poste dans le nouvel organigramme de la DAS. « Les américains gardent toujours en souvenir le réseau impressionnant du général Toufik dans les pays limitrophes notamment en Libye », estime notre source selon laquelle les relais algériens en Libye, au Mali ou en Syrie constituent une force de frappe qui intéresse la CIA et les autres agences occidentales. « Avant son départ de la tête du DRS, le général Toufik a réuni autour de lui pas moins de 1200 agents. Lors de son discours d’au-revoir, il avait beaucoup insisté sur l’importance cruciale de protéger nos sources et de continuer à valoriser notre travail d’infiltration », assure notre interlocuteur. Le retour des républicains à la tête de la CIA va-t-il donc redonner une nouvelle influence au général Toufik ? Oui, répond un autre capitaine de la police judiciaire qui vient d’être réactivé au sein des services dirigés par le général-major Tartag. « Les américains se souviennent très bien de ce voyage du général Toufik en été 2001 où nos services avaient établi un rapport détaillé sur une potentielle menace terroriste sur le sol américain. A l’époque nos agents infiltrés en Afghanistan et au Soudan avaient recueilli des informations précieuses. Malheureusement, les américains n’avaient pas étudié avec justesse nos rapports et le menace a été prise au sérieux après le funèbre 11 septembre », raconte notre source.
Réchauffement des relations avec Bouteflika
Le 11 septembre marque justement un tournant majeur dans les relations entretenues par le général Toufik avec ses partenaires américains et occidentaux en général. Quelques mois plus tard, il revient en 2001 à Washington pour rencontrer des responsables de la CIA. Les échanges sont intenses et cette fois-ci, les américains tendent une oreille attentive à celui qui leur a suggéré de ne pas entrevoir une action armée en Libye dans les années 80. A l’époque, le général Toufik était l’attaché militaire de l’ambassade d’Algérie à Tripoli. Aujourd’hui, avec les nouveaux défis géopolitiques que suscite la situation libyenne, le général Toufik ne risque pas de s’ennuyer à cause de sa retraite. Il joue pratiquement le rôle de conseiller de l’ombre de la Présidence algérienne. Et Abdelaziz Bouteflika sait pertinemment que sa présence dans les arcanes du pouvoir algérien va rassurer les Etats-Unis et l’Europe avides de stabilité et de paix régionale. Premier signe du retour en force de l’idéologie du général Toufik : la réintégration quasiment officielle des officiers du DRS dans les multiples administrations et cabinets ministériels alors qu’en 2016 leur retrait avait été ordonné par le Palais d’El-Mouradia. « La fiche bleue », la fameuse procédure du DRS par laquelle tout futur haut responsable ou ministre doit passer avant que sa nomination ne soit validée est toujours d’actualité à Alger. Comme ses amis américains, Abdelaziz Bouteflika a tiré la leçon du passé : il ne veut plus se priver de l’expérience incontournable d’un vieux renard du renseignement.