Acte 2 : One Two Three où va l’Algérie ?

Après l’Acte 1 et ses acteurs nous allons poser la question sur la trajectoire des acteurs, leur convergence et leur divergence.

Comme d’habitude nous n’allons pas faire de pronostics partisans, mais juste proposer une grille de lecture et les outils d’élaboration de cette grille simplifiée. Nos 4 outils d’analyse sont simples, mais efficaces :

L’arithmétique : 1 + 2 = 3

Mouvement populaire protestataire + Urnes = Seconde République (La Rupture)

Les experts du Takloubit et du Tkharbit veulent à tout prix que 1+2 # 3. C’est leur choix de ne pas assumer leurs responsabilités historiques et morales, car ils ont peur du verdict populaire. Si les Fréristes, les Trotskistes et les Mouwatanistes étaient capables de remporter les élections, ils auraient mobilisé les couches moyennes et les couches populaires. Ils veulent reporter les élections. On fait le parti d’une « olive contre un litre d’huile » que dans 3 mois ou mille ans, ils ne remporteront aucune élection, car ils n’ont jamais gagné au jeu démocratique et ils ne veulent pas du résultat des urnes. Ils veulent que les Militaires leur confient le pouvoir sur les appareils et que ces mêmes militaires défendent les appareils contre la plèbe.

Faites le décompte arithmétique des votants et des abstentions et l’attribution des sièges à l’APN, avec le calcul d’épicier, vous verrez qu’ils ne représentent que la part de rente que le système leur a distribué pour continuer d’exister et donner légitimité aux falsificateurs et corrupteurs.

La psychologie sociale : noyer le poisson dans l’eau

Les recherches académiques en psychologie sociale montrent que le comportement d’une foule est aléatoire, il est déterminé par la trajectoire des meneurs. Elles montrent aussi que la foule, malgré son nombre impressionnant est irresponsable, car chacun dégage sa responsabilité de penser et d’agir sur la masse anonyme ou le voisin. L’être humain est lâche, mimétique. Regarder comment une manifestation pacifique dégénère en violence et en destruction massive dès que les « casseurs » entrent jeu ou dès que les forces sécuritaires reçoivent l’ordre de provoquer les plus radicaux de la foule ou lorsque les premières lignes des forces de police paniquent et se comportent comme une foule qui ne maitrise pas ses nerfs au lieu d’être des professionnels lucides et solides.

La psychologie sociale nous montre aussi comment le fait de donner raison à une masse « ignorante » et donner tort à quelques éléments « savants » non seulement exacerbe le sentiment d’injustice, mais pousse le frustré soit à se résigner et à rentrer dans le rang pour retrouver la paix intérieure et ne pas être isolé, soit à « péter les plombs » lorsqu’il ne parvient pas à gérer le conflit intérieur qui le déchire entre se résigner ou continuer à faire front tout seul. Il faut être trempé comme l’acier pour résister à cette torture mentale et maintenir son cap.

Nous voyons ce processus dans les manifestations qui brouillent l’aspect logique d’un processus de changement : on refuse le système en place tout en isolant et faisant taire les partisans de la Rupture et du Changement.

La méthode prophétique :

Le phénomène de massification est un procédé d’infantilisation qui sape l’éveil des consciences. La masse est insérée dans un ordre festif, carnavalesque, fascinatoire dans lequel il est difficile de prendre le temps de penser rationnellement, de prendre de la distance pour voir les acteurs et la trajectoire qui aspire la foule vers l’inconnu.

Les fondamentaux de la thermodynamique et de la mécanique :

Le système thermodynamique typique : On produit de la chaleur puis on la canalise selon la règle du déplacement de la chaleur du chaud vers le froid pour la transformer en travail utile avec quelques déperditions d’énergie. Ce peuple s’est mis ou a été mis à la rue, il a produit donc au sens physique de l’énergie. Ou bien cette énergie se transforme en travail transformateur, ou en explosion ou en déperdition totale.

Pour qu’elle devienne du travail, il faut des machines, des instruments et des canaux c’est-à-dire de l’ingénierie aux mains d’architectes et d’ingénieurs sociaux. Pour l’instant l’Algérie en produit peu.

Salmiya (pacifique) toujours Salmiya n’a de sens que si la fronde populaire se transforme en voix qui sanctionne et en voix qui accorde confiance à un candidat de rupture. Ali Ghediri n’a pas forcé le destin comme on l’espérait. Ses équipes n’ont pas été à la hauteur. Chacun devra assumer ses responsabilités et établir de nouveaux plans de bataille. Pour l’instant on ne peut parler de victoire ou de défaite, nous sommes dans un repositionnement tactique temporaire. Qui vivra verra !

Pour qu’elle devienne une explosion qui se détruit en se consumant, il faut maintenir la pression. Depuis 1830, l’Algérie ne fait qu’exploser sans unité. Chacun lutte pour son Douar, sa ville ou son parti. Le colonialisme a pu mater les insurrections comme par la suite il orchestré la subversion du FLN et de l’ANP. Il a fait correctement son boulot, nous n’avons pas sur faire le nôtre. Nous continuons à mal le faire, à moins d’un sursaut salvateur parce que nous sommes des fragments dispersés par l’absence de cadre d’orientation, de culture civilisationnelle et d’unité nationale. Malek Bennabi a nommé ce mal : l’atomisme.

Cependant le scénario du passage de Salmiya (pacifique) a Thawriya (révolutionnaire) n’est pas exclu, en effet comment faire quitter un peuple mis à la rue sans changement radical ? Comment faire taire les voix qui demandent une désobéissance civile et qui avaient l’espoir de voir le régime s’effondrer ? La seule possibilité pour les assassins et les mafieux est de pousser la Salmiya à devenir Fawdawiya (chaotique, anarchique) ou islamiya (islamique) et ainsi avoir toutes les justifications pour réprimer. C’est arithmétiquement simple. Mais cette-fois le peuple a une expérience et une haine.

Pour qu’elle devienne une déperdition qui se dissipe, il faut juste laisser les choses refroidir en donnant au peuple un autre spectacle, une autre préoccupation, une inertie. La France et ses vassaux algériens du pouvoir et de l’opposition ont trouvé l’astuce : maintenir d’abord le suspens de la date des élections puis celle de l’abandon du « candidat » Bouteflika et mettre fin au cirque. C’était un des scénarios que nous avions envisagés dès l’annonce de la date des élections. On avait pensé que les élites algériennes, civiles et militaires, allaient mobiliser le peuple pour aller aux élections et accepter un changement pacifique.

On est passé donc de Salmiya à Kama Hiya : statu quo et attente du Messie ou du Mahdi. Kama Hiya signifie la continuité de la rente : Hamiya bism as Salmiya ou Salmiya par peur de la Thawriya. Ce ne sont que des astuces de fin de règne que tentent de sauver Satan et ses liges. Toute la France médiatique et diplomatique est au rendez-vous. Cependant il manque trois inconnus :

  • Qui est le candidat de la dissipation et de l’inertie ? L’issue n’est pas encore trouvée et personne n’a les garanties. Le peuple algérien peut refuser d’être considéré comme un déchet, une marionnette et sa réaction peut être brutale. On revient à la case de départ : qui peut assumer la conduite et la légitimité de la répression.
  • Qui est le candidat de la dissipation et de l’inertie ? L’homme du consensus n’est pas encore identifié. La France post coloniale considère l’Algérie comme sa terre de chasse privée, mais l’Amérique de Trump veut se redéployer en Afrique.
  • Qui est le candidat de la dissipation et de l’inertie ? L’armée algérienne n’a pas donné son dernier mot. Les manœuvres de Gaïd Salah ne doivent pas faire illusion. La décision finale appartient aux commandants des forces terrestres. Le général à la retraite Hocine Haddid vient de livrer un réquisitoire sans appel contre le système en place. Les seconds couteaux de l’ANP se considèrent eux aussi comme les plus légitimes à la succession de Bouteflika. Beaucoup de choses peuvent se passer.

Il y a cependant deux certitudes. La première c’est que les comparses de la société civile et des partis politiques sont définitivement disqualifiés. Ait Larbi et Zoubeida Assoul sont laminés même si le système leur propose l’Algérie comme bien vacants de 1962. La seconde c’est que le système est fini, même les nouvelles figures qui vont être installées manquent de compétence, car elles ont évolué dans la cooptation et la rente qui fabriquent les traitres et les médiocres. Damma fil oued. Ils peuvent trouver des larbins, mais pas de réformateurs compétents. Ils reculent l’échéance pour mieux sauter.

L’école, l’armée et la mosquée algériennes :

Il n’y a ni travaux pratiques, ni transfert des connaissances, ni méthode de recherche, ni envie d’étudier pour comprendre la réalité et trouver la vérité : nous accumulons des connaissances stériles et des diplômes pompeux, sans efficacité sociale et sans prise sur les phénomènes réels.

L’armée a été transformée en auxiliaire du système par la culture de la rente : les privilèges et la promotion.

La Mosquée est dans un état de délabrement pire encore. Nous continuons de reproduire les mêmes schémas mentaux, les mêmes savoirs anciens et les mêmes légendes. Les gens consomment le sermon sans le comprendre ni le digérer. Ils réagissent affectivement, sans spiritualité et sans quête de sens.

L’imam, l’enseignant et le militaire ne sont pas la crème de l’Algérie : ce sont des bureaucrates ou des corporations sans ambition pour l’Algérie. Ils ont bloqué l’Algérie.

Avec ces trois « institutions » sinistrées qui ont pris en otage nos esprits, il est difficile d’évoluer, de changer, d’oser la rupture. Notre imaginaire est bourré de formalismes, de fatalisme, de paresse, de simplisme, et de « normal ». Le pouvoir algérien et ses sbires ainsi que leur maitre à penser étranger savent tous l’état de nos mentalités fabriquées par l’école et la mosquée. Ces mentalités sont maintenant davantage plus déstructurées par la fascination de l’image et de l’audio-vision où on se contente d’écouter sans faire l’effort de lire, de prendre des notes et d’analyser le lexique, la sémantique et le contexte d’une prestation qui ne reste que narration médiatique. La quête de vérité est absente dans la communication, car elle est instrument d’endormissement, de fascination, de partage de la rente. Le narcissisme et la mégalomanie sont cultivés à outrance et répercutés à l’infini, étouffant toute voix sérieuse et crédible.

Les canaux du spectacle et de la narrative sont en mobilisation pour colporter les rumeurs, la désinformation et l’irresponsabilité. La foule a un comportement addictif, non seulement elle subit, mais elle transmet et produit les effets pervers. Bien entendu on parle de droit à l’expression et de liberté. C’est un point de vue qui aurait mérité la considération et le respect s’il était crédible par sa capacité à produire un sens plus conforme à la réalité et à la vérité, plus soucieux du devenir de l’Algérie.

L’éveil est difficile. L’Arabie avant la Prophétie était pire que la situation algérienne :

La poésie formelle et l’imagination vagabonde et insensée était un divertissement et un abrutissement. Tout le monde aux alentours de l’Arabie produisait de la pensée philosophique, de la technique, des sciences et des arts à l’exception des Bédouins qui se contentaient du négoce et du pas cadencé des chameaux.

L’éveil des consciences a commencé par إقراء Iqra ! Il ne s’agissait pas de lire quoique ce soit. Il n’y avait pas d’impératif de lecture de signes et de symboles à une population analphabète, mais l’invitation de comprendre, d’être conscient et de transmettre la Révélation pour rompre avec la mythologie, l’aliénation, l’ignorance et l’autarcie. Il s’agissait d’un éveil des consciences. 15 siècles après nous sommes toujours fermés à l’intelligence, au sens et à la conscience. Nous avons copié les Juifs et les Chrétiens et introduit la psalmodie puis nous les avons surpassés en faisant de la récitation coranique un art sublime. Nous osons même dire que les pleurs d’une personne occidentale écoutant la récitation est un effet de la grâce divine, alors que c’est un effet affectif généré par la mélodie triste du récitant arabe, turc ou malaisien. Le Coran est devenu synonyme de récitation alors que son sens étymologique est la comparaison et la mise en liaison des faits historiques avec les faits cosmiques, de la réalité tangible avec la Métaphysique, du passé avec le présent et l’avenir. C’est ce Coran qui certifie que Mohamed est un Prophète, car la Révélation est soumise à l’épreuve des faits et des lois. Les musulmans font fi des lois et des faits. Les Musulmans laïcistes qui se réclament de la rupture avec l’Islam et revendiquent l’alignement idéologique avec l’Occident sont dans la même situation que les bigots : ils proposent des dogmes produits dans d’autres espaces géographiques, d’autres cultures, d’autres histoires.

L’éveil des consciences a commencé par la mise en évidence des faux messies et des faux intellectuels : les imposteurs de la vérité et les usurpateurs du savoir :

هَلْ أُنَبِّئُكُمْ عَلَىٰ مَن تَنَزَّلُ الشَّيَاطِينُ (221) تَنَزَّلُ عَلَىٰ كُلِّ أَفَّاكٍ أَثِيمٍ (222) يُلْقُونَ السَّمْعَ وَأَكْثَرُهُمْ كَاذِبُونَ (223) وَالشُّعَرَاءُ يَتَّبِعُهُمُ الْغَاوُونَ (224) أَلَمْ تَرَ أَنَّهُمْ فِي كُلِّ وَادٍ يَهِيمُونَ (225) وَأَنَّهُمْ يَقُولُونَ مَا لَا يَفْعَلُونَ

Vous ferai-je savoir sur qui descendent les démons ? Ils descendent sur tout pécheur calomniateur à qui ils colportent des rumeurs, mais la plupart d’entre eux sont des menteurs. Quant aux poètes, les suivent ceux qui s’égarent. Ne vois-tu pas qu’ils divaguent dans n’importe quelle direction et qu’ils disent ce qu’ils ne font pas ? As Chouara 221-227

Pour éveiller les consciences et libérer les mentalités, non seulement il faut appeler l’intelligence et la sensibilité des gens, mais il faut aussi oser dévoiler les manipulateurs, les menteurs, les traitres, les rentiers, les corrompus. Il ne s’agit pas de dévoiler les personnes, ce qui relèvent de la Justice et de l’Etat de droit, mais de mettre à jour leurs mécanismes, leurs réseaux, leurs intérêts, leurs narrations.

Qui manipule, qui contrôle, dans quelle direction, avec quels artifices, sur quel terrain, pour quel objectif. Ce sont des questions légitimes. On ne se contente pas de sublimer le peuple ni de soutenir un homme ou un groupe sans tenter d’éclairer la scène, ses acteurs et la trajectoire de leur convergence.

Nous allons maintenant voir la méthodologie d’éveil des consciences qui ne se fait pas à travers une foule mise en situation « orgiasmique », mais par la responsabilisation individuelle :

قُلْ إِنَّمَآ أَعِظُكُمْ بِوَاحِدَةٍ أَن تَقُومُواْ لِلَّهِ مَثْنَىٰ وَفُرَادَىٰ ثُمَّ تَتَفَكَّرُواْ

{Dis :  » Je ne vous exhorte qu’à une seule chose : tenez-vous debout devant Dieu, par deux, ou individuellement, puis méditez.} Saba 44

Il faut voir le peuple non comme un fétiche ou une entité abstraite, mais un composé d’hommes différents. Il faut s’adresser à ces hommes en leur qualité d’être individuel (hommes femmes, jeunes vieux, instruits non instruit …) ou d’être social (groupe, classe, couche, corporation…)

En 1991, Ali Belhadj et l’Institut de Hautes Etudes Stratégiques de la Présidence ont fait les mêmes erreurs d’appréciation : s’adresser à des foules anonymes et évaluer le comportement global d’une masse uniformisée dans le spectacle ou la cérémonie sans tenir compte des convictions intimes. Ainsi lorsqu’Ali Belhadj pleurait à la Mosquée de Bab el Oued tout le monde pleurait, mais très peu comprenait ou retenait le contenu de son sermon. Lorsqu’il fut exposé à la répression, la masse anonyme et sans conscience politique n’a pas répondu à l’appel de ses fidèles. Lorsque les stratèges de la Présidence enregistraient les écoutes dans les Mosquées et les meetings, ils ne voyaient que qu’ils voulaient croire c’est-à-dire 12 à 15% des sièges remportés par le HAMAS de Mahfoud Nahnah : science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Ces calculs non seulement nous ont fait perdre du temps et revenir à la cause départ, mais ils ont sapé la mentalité collective et dilapidé les ressources économiques.

Il est urgent de s’adresser avec responsabilité, lucidité et courage aux Algériens et leur indiquer le cap. Chacun devra assumer son choix en toute liberté et en pleine conscience.

La postmodernité veut que la rue prime sur la raison, le festif prime sur l’intelligence et que la masse prime sur l’engagement individuel pour que les agendas des mieux nantis que nous en intelligences narratives, en instruments diplomatiques et en moyens médiatiques s’imposent et décident à notre place.

Réveillez-vous ! L’acte 2 vient de s’ouvrir sur une tripartite franco américano saoudienne. Ce sont toujours les Enarques, les technocrates et les bureaucrates au-devant de la scène. Ce qui est rassurant c’est qu’il n’y a pas de consensus et qu’on voit les configurations que les crétins nous proposent pour l’avenir.

La solution algérienne et algérianiste ne peut venir que des Algériens, les authentiques Algériens. Mobilisez-vous ! Sortez de votre silence ! Sapez le plan diabolique !

Les ennemis de l’Algérie seront mis en échec

Omar MAZRIALGERIE RUPTURE

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