C’est un engouement qui concerne toute la marine marchande. Avec les évolutions de la réglementation Marpol sur les rejets de souffre et de CO2, les innovations des moteurs au GNL, et l’amélioration de l’approvisionnement, la propulsion au gaz gagne du terrain en mer. La Brittany Ferries vient de signer une intention de commande avec le chantier FlensburgerSchiffbau (Allemagne) pour la construction d’un navire GNL. Lors de son entrée en service, en 2019, il deviendra le premier ferry au gaz sur l’arc Atlantique.
« Le monde du maritime vire au vert », se réjouit Frédéric Pouget, directeur du pôle Armement et des opérations maritimes et portuaires pour la Britanny Ferries. « La réglementation Merpol est évidement le fil rouge de cette transformation. Par exemple, en nous obligeant à utiliser des carburants contenant moins de 0,1% de souffre dans certains zones, notamment la Manche. Mais je pense que nous serions venus au GNL de toute façon. » Le gaz naturel liquéfié présente en effet l’intérêt de ne dégager ni particule ni souffre, et beaucoup moins de CO2 et de NOx que les autres carburants. Autre avantage, plus économique cette fois, le marché est beaucoup plus stable et son accessibilité s’est grandement améliorée avec la mise en place d’un terminal gazier à Dunkerque.
Le choix du GNL s’explique aussi par une technologie désormais mature. Les méthaniers utilisaient depuis longtemps l’évaporation de leur stock de GNL pour alimenter les turbines de leurs moteurs thermiques, mais cela ne convenait pas aux navires de fret. En 2012, un premier ferry Finlandais, le Viking Grace, sort des chantiers de construction avec une autre technologie : un moteur électrique alimenté par des groupes électrogènes au gaz.
Le futur navire de 185 mètres de la Britanny Ferries utilisera, lui, quatre groupes électrogènes dualfuel, capables de travailler avec un mélange gazoil/GNL en déployant une puissance de 32 MW. « Avec 1% de gazole injecté avec le gaz, les moteurs conservent la réactivité nécessaire aux manœuvres portuaires. Cela laisse également la possibilité d’augmenter ce rapport pour un sursaut de puissance lorsque c’est nécessaire. » Dernier avantage d’un moteur mixte : ne pas être dépendant d’un seul carburant. « Un navire, c’est un investissement industriel sur plus de 25 ans. Il faut pouvoir être souple sur ses approvisionnements en carburant », souligne Frédéric Pouget.
L’approvisionnement du bateau en gaz sera d’ailleurs une autre source d’innovation. À la manœuvre, Total et Britanny Ferries, qui s’associent pour organiser une solution d’approvisionnement GNL par ISO-conteneurs, plus compétitifs que le soutage par barge actuellement utilisé. Selon le directeur de l’Armement de la compagnie bretonne, « c’est comme si l’on embarquait des bouteilles de gaz géantes, plutôt que de passer du temps à remplir le réservoir à la pompe. »
Et pourquoi pas des batteries électriques plutôt que l’alimentation au gaz d’un groupe électrogène ? « Pour un ferry, c’est compliqué, » indique le directeur du pôle Armement. « Ce sont des navires de fret alors il faut garder une ligne de flottaison haute pour pouvoir embarquer des dizaines de tonnes de camions. Pour 35 tonnes embarquées, le bateau s’enfonce de 1 cm. Le problème, c’est que les technologies de stockage d’électricité sont massives, plusieurs dizaines de tonnes pour un seul mégawatt. Et il en faut trente-deux pour faire avancer un ferry de cette taille ! »