Manifeste judéophile et islamophobe ou pure diversion ?

Par Omar Mazri – Le caractère manifestement islamophobe et judéophile des termes, des intentions et des figures des personnalités politico-médiatiques, dénonçant «une épuration ethnique à bas bruit» pratiquée par les «islamistes radicaux» contre les bons citoyens juifs, soulève quelques questions.

Les questions que nous soulevons ne cachent pas le caractère odieux de l’assassinat ou de la torture de onze juifs français par quelques musulmans français ou résidents en France. Elles ne se dressent pas contre la liberté, la légalité, voire la légitimité de manifester ses opinions vraies ou fausses, de déclarer ses sentiments ou ses préjugés, d’afficher ses appartenances idéologiques ou religieuses. Les questions que nous soulevons manifestent notre liberté de pensée et notre devoir de clarification pour que ce qui ressemble à une vaste opération de communication ne soit pas vécue par la communauté la plus fragile de France comme une énième stigmatisation, une énième provocation, un énième amalgame, une sempiternelle diversion…

Les questions et les réponses à un problème factuel ou narratif ne doivent pas être prisonnières d’une imagination délirante et narcissique, mise en scène et livrée à la consommation de masse pour fasciner, hypnotiser, leurrer, détourner, séduire, masquer. Le problème, ces questions et ces réponses doivent répondre à la réalité (situation objective), à la vérité (se référer aux positions principielles les plus universelles ou aux affirmations catégoriques et explicites d’un texte sacré religieux ou profane fondateur d’une pensée ou d’une civilisation, et non à des valeurs, c’est-à-dire à des jugements, des interprétations et des opinions à portée limitée en termes de durée de temps, d’étendue d’espace), au contexte dans lequel se manifestent la réalité et la vérité pour s’imprimer dans la conscience humaine ou pour s’exprimer aux autres consciences.

Le contexte international

L’échec en Syrie et la mise en évidence de plus en plus visible et de plus en plus crédible de l’implication occidentale dans la formation, le soutien et la manipulation des groupes terroristes, nommés pour la «bonne cause» «islamistes» ou «djihadistes», impose de faire diversion.

Il est impossible de cacher les manifestations des Palestiniens revendiquant toujours leur droit au retour avec détermination et conviction et la riposte sanglante et démesurée des forces d’occupation sioniste de la Palestine. A chaque agression sioniste et à chaque effort de résistance palestinienne, le monde politico-médiatique vient apporter son soutien à l’entité sioniste. Et il n’échappe à personne la bataille qui veut confondre l’antisionisme et le soutien à la résistance avec l’antisémitisme. Le ridicule de qualifier un Arabe d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient pourtant aussi sémite que le juif d’Amérique, de France ou de Russie ne tue plus personne. Cette dérive «sémantique» porte préjudice aux juifs eux-mêmes, mais eux aussi sont victimes des médias et du sionisme.

La réalité

J’ai froid dans le dos et j’ai les limbes qui se transforment en morve lorsque je lis ce que les notables politico-médiatiques français énoncent comme vérités sacrées : «Les Français juifs ont 25 fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans» ; «Dix pour cent des citoyens juifs d’Ile de France – c’est-à-dire environ 50 000 personnes – ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République» ; «Il s’agit d’une épuration ethnique à bas bruit au pays d’Emile Zola et de Clemenceau».

Le crime et le criminel comme objet de préoccupation intellectuelle n’est pas un fait nouveau, ce qui est nouveau et absurde, c’est de l’imputer médiatiquement à une race, à une religion, à une communauté sans apporter de preuves scientifiques et de témoignages vérifiables et incontestables.

Le crime et le criminel sont des choses graves et sérieuses, ils relèvent de la compétence des criminologistes, des juristes, des psychologues, des psychiatres. Dans le passé, il y a eu des dérives racistes ou des incompétences intellectuelles pour imputer le crime à une race. Aujourd’hui, la théorie dominante veut que le crime relève de déviance de la personnalité individuelle ou de troubles pathologiques que les conditions sociales, politiques, économiques et psychologiques aiguisent ou atténuent. On a montré également que l’ignorance des lois et l’irresponsabilité sociale favorisent la délinquance et le crime.

Il est du droit des personnalités ayant signé le manifeste d’exprimer leur peur ou leur sympathie pour les juifs et leur antipathie pour les musulmans, mais il est de leur responsabilité morale et citoyenne de ne pas s’embarquer dans un terrain aussi complexe que la sociologie et la psychologie du crime.

En France, il y a un homme extrêmement compétent en matière de criminologie, en l’occurrence Alain Bauer, professeur de criminologie appliquée au Conservatoire national des arts et métiers, consultant national et international en sécurité, auteur d’une cinquantaine d’ouvrages sur la criminalité et le terrorisme, descendant de parents juifs. Il serait intéressant, même s’il ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique, d’écouter son avis sur les assertions infondées et floues dudit manifeste. Il serait intéressant, même si certains lui reprochent sa «proximité avec l’extrême droite» ou  sa «haine des musulmans», de voir comment il explique les connexions du crime organisé et les solutions à apporter à la criminalité, au lieu de juger et de punir des communautés sans argument scientifique, sans volonté d’apaiser et de «civiliser». Il pourrait nous expliquer pourquoi les «islamistes radicaux» ont droit d’expression sur internet, pourtant surveillé, pourquoi ils parviennent à passer à l’acte alors qu’ils sont fichés et surveillés et surtout pourquoi la majorité de ces «radicaux islamisés» proviennent de la délinquance ou du crime organisé ?

La réalité que les forces de l’ordre connaissent est bien celle du nombre d’Arabes, d’Africains et d’étrangers assassinés en France. Objectivement, aller sur ce terrain et établir des ratios est dangereux, car la plupart des crimes et agressions ne peuvent être attribués au racisme ou à l’islamophobie.

Par ailleurs, les ratios ne peuvent rien signifier lorsque l’on sait que les effectifs des communautés sont incomparables, les conditions sociales des communautés sont incomparables.

A titre d’illustration de la lutte idéologique et médiatique du manifeste et de ses affirmations fallacieuses, celle-ci : «10% des citoyens juifs d’Ile de France – c’est-à-dire environ 50 000 personnes – ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités et parce que leurs enfants ne pouvaient plus fréquenter l’école de la République.».

Tous les gens sensés des HLM, de la sociologie, de l’administration régionale et communale, de la démographie, de la géographie savent qu’il y a un processus d’infiltration et d’exfiltration communautaire dans les cités, les écoles, les lieux de travail par l’écrémage et la ségrégation du fait des conditions sociales, du communautarisme passif (celui mené par les politiques sociales et économiques en échec d’intégration et en confusion sur le droit à la différence qui crée de la diversité et l’obligation d’indifférenciation qui multiplie les variétés dans les mêmes moules sociaux, politiques et médiatiques cultivant le même unanimisme et le même immobilisme). Il n’y a pas que les seuls juifs qui ont déserté les «quartiers et les écoles de quartiers», mais tous les Européens qui ont les moyens de partir et une minorité d’Arabes et d’Africains qui sont parvenus à une «intégration sociale» par le revenu.

L’autre réalité qui n’échappe à personne est le nombre de musulmans et d’Arabes tués par le «terrorisme islamique». Il ne s’agit pas de «onze» personnes, mais de millions de personnes en Irak, en Syrie, en Afghanistan.

Si nous devons comptabiliser les tués par la cupidité et la voracité des prédateurs occidentaux dans le monde, il s’agit de centaines de millions.

On s’interroge donc sur les mobiles des signataires du manifeste contre l’antisémitisme lorsque l’un des signataires les plus influents et les plus prestigieux a mis à feu et à sang la Libye pour spolier ses richesses, punir les peuples qui résistent à l’ordre impérial et sioniste.

L’horreur de la réalité du manifeste est exprimée par le journaliste Claude Askolovitch qui, dans les colonnes du site Slate, dit qu’il s’agit d’«une mise en accusation des musulmans de ce pays, réputés étrangers à une véritable identité française, sauf à renoncer à leur dignité». Il conteste la quintessence du message qui «fait de la lutte pour les juifs une composante du combat identitaire français, et cette identité exclut». Il en déduit que ce texte induit que «la défense du juif implique le refus de l’islam». Le politico-médiatique français n’a toujours pas compris que l’échec de l’esprit français en Algérie et son idéologie colonisatrice est dû principalement à sa stupide stratégie de monter le juif contre le musulman, le Berbère contre l’Arabe, l’assimilé contre l’indigène…

L’autre réalité est celle de la fiction d’un «islam français» à opposer à l’islam pour civiliser le monde. Les Américains veulent une Otan arabe qui combatte les Arabes, les Africains et les Asiatiques pour le compte de l’«empire», au nom d’une certaine idée (fausse) de l’islam. Ils fondent leur fiction sur la vassalité, la terreur ou la corruption des gouvernants arabes.  Les Français, forts de leur culture et de leur intelligence, veulent mieux faire : fabriquer un islam français puis l’exporter comme on exporte une voiture ou des pommes de terre ! Les uns et les autres se croient les dépositaires légaux de l’humanité et de l’universel.

«Que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés de caducité par les autorités théologiques, comme le furent les incohérences de la Bible et l’antisémitisme catholique aboli par [le concile] Vatican II, afin qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime.» «Nous attendons de l’islam de France qu’il ouvre la voie.»

L’islam au service des appétits impérialistes et de l’hégémonie culturelle de l’Occident athée et matérialiste, nous l’avons vu en œuvre en terres d’islam et nous avons vu ses bouffons en France. Il faut d’abord tenter de judaïser les juifs et de christianiser les chrétiens que vous connaissez mieux que les musulmans que vous voulez islamiser à la mode de Vatican II. Le manifeste pro-sioniste et pro-Netanyahou dans son contexte est dans sa réalité intrinsèque une référence à Vatican II pour une raison stratégique : la lutte idéologique.

Le Concile Vatican II (1962-1965) est une référence majeure sur le plan géopolitique : il déclare la guerre contre l’islam jugé unique et solide rempart culturel, moral et spirituel à l’évangélisation de la planète. Pour s’attaquer à ce rempart, Vatican II va réhabiliter les juifs du meurtre de Jésus, ouvrir les passerelles vers l’Eglise orthodoxe d’Orient et de Russie, unifier les Slaves contre l’Union soviétique, considérer les musulmans comme sans Dieu, sans Livre et sans Prophète, considérer l’islam comme une religion asiatique à l’image du bouddhisme, une spiritualité en retrait du monde… Contre la dialectique de l’existence qui refuse le monopole et le pouvoir unique, Vatican II est en harmonie avec l’hégémonie impériale qui ne reconnaît pas la diversité et la multipolarité. Vatican II est en harmonie avec le matérialisme impérialiste : l’Evangile, parole de Jésus d’inspiration divine, est reconnu comme écriture humaine. Vatican II correspond à l’esprit de la postmodernité : ni Dieu ni centre, mais pouvoir temporel absolu et sans partage aux mains des communicants (du nouvel ordre mondial). Vatican II est l’instrument de lutte idéologique le plus redoutable : il enlève à l’islam son caractère divin et ferme la porte à un des messages les plus forts du Coran : les falsifications des écritures saintes et les crimes contre l’Homme par les élites intellectuelles et politiques des juifs et des chrétiens qui instrumentalisaient la religion à des fins mondaines. Il évangélise les chrétiens dans le sens où il les fait entrer massivement dans le giron de l’Eglise et enfin il leur demande de se désolidariser de la Palestine léguée aux juifs qui ont le droit de la vider de ses occupants arabes et musulmans. Les Eglises orthodoxes de Palestine, de Syrie, d’Irak et du Liban ont refusé cette reconnaissance.

J’ai traduit et publié des textes sur l’arabité des chrétiens et leur attachement à la cause palestinienne. J’ai écrit sur le pape Benoît XVI, sur la visite d’Obama au Caire, sur les Croisades : on trouve la même stratégie et la même communication : enlever aux indigènes leur droit à la patrie et former une élite musulmane médiocre et méprisable au service de l’envahisseur. La colonisation, l’évangélisation et l’empire ne sont pas encore liquidés. Il y aura toujours des voix et des voies pour leur expression et leur désir de conquête et de vassalisation.

Le contexte national

La crise sociale, la crise civilisationnelle, la crise économique, les retombées de l’agression contre la Libye mettent à mal la cohésion politique et médiatique ainsi que sa crédibilité. La diversion et le spectacle sont des armes de manipulation de l’opinion et de désinformation.

Dans ce contexte international et national d’exaspération et de crise, tout crime relevant du droit commun et inacceptable sur le plan de l’éthique et de la morale est instrumentalisé à des fins idéologiques et politico-militaires. On confisque à la justice, à la police et à la conscience humaine leur devoir de questeur de vérité et de réalité.

Lorsque le manifeste dit : «Nous demandons que la lutte contre cette faillite démocratique qu’est l’antisémitisme devienne cause nationale avant qu’il ne soit trop tard, avant que la France ne soit plus la France», nous disons que ce n’est pas ainsi que l’idéal républicain et démocratique sera restauré ou promu. On ne peut ni promouvoir ni partager ce qui est confisqué ou pris en otage.

Le thème a été largement abordé dans l’article «Je suis une image ». Malgré la désinformation, il y a toujours des honnêtes gens qui osent dire «ne parlez pas en notre nom» et ne travestissez pas la vérité. Voir l’article «Mise en accusation des musulmans ? Des voix dénoncent la tribune contre le ‘nouvel antisémitisme’».

La vérité

La négation de l’islam et la stigmatisation des musulmans s’imaginent occulter la vérité en déclarant que «les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés de caducité par les autorités théologiques». Il ne s’agit pas de vérité, mais de syllogisme fallacieux :

1 – Sur un plan procédurier, il n’appartient pas à l’accusé d’un délit ou d’un crime de défendre mon innocence, mais il appartient à ses accusateurs d’apporter leurs preuves et leurs arguments sur sa criminalité et les incitations aux crimes de sa religion, de son idéologie.

2 – Pour l’instant, ils ne produisent qu’une doxa politico-médiatique qui se veut casuistique docte. La casuistique se fonde sur le principe général pour juger du particulier alors qu’ici on émet une opinion infondée et ignare pour donner l’illusion de juger le principe général (le Coran) à partir du singulier (le musulman déviant et agressif). On ne peut raisonnablement imputer au Coran et aux musulmans qui peuplent la planète les malheurs qui s’abattent sur les juifs et les chrétiens et se taire sur les agissements d’une secte ou d’une monarchie incitant à la haine et au crime. Il est facile de se taire sur les agissements du corrupteur et de pourfendre le faible et le sans voix.

3 – Sur le plan logique, abstraction faite de la réalité et de la véracité, on ne peut demander à une autorité religieuse de frapper de caducité une partie ou l’ensemble de sa référence religieuse ou doctrinale, à moins qu’elle ne soit déjà dans un processus de remise en cause de ses fondamentaux ou qu’elle ne soit dans une position de vassalisation telle que le reniement identitaire et religieux ne peut être évité. Les seules autorités religieuses qui sont capables de ce reniement sont celles de l’Arabie Saoudite, car elles sont inféodées à la rente et au pouvoir du sultan. Les seules autorités religieuses qui sont capables de ce reniement sont celles sur qui pèsent l’accusation de terrorisme ou d’incitation au terrorisme et qui ont contribué à l’effort de guerre occidental contre la Libye et la Syrie par leurs moratoires criminels. Les renversements idéologiques et culturels en Arabie Saoudite annoncent le néo-wahhabisme ouvertement sionisant ou une guerre civile entre les libéraux et les archaïques.

4 – Les Occidentaux les plus éclairés et les plus honnêtes se laissent piéger par la doxa des savants et prédicateurs musulmans ou par celle des orientalistes. Les trois grands empires musulmans, les Omeyyades, les Abbassides et les Ottomans ont légué aux musulmans et aux Occidentaux une culture d’empire avec ses moratoires religieux pour justifier les colonisations ou pour contrer les envahisseurs étrangers dans une époque de confrontation politique et militaire. Le religieux a été instrumentalisé à des fins politiques et historiques. On peut leur trouver une justification ou une explication comme on peut les réfuter et les critiquer, cela fait partie de la pensée humaine sur la politique, les relations internationales, l’histoire, l’économique, la géographie et la sociologie. L’immobilisme et la décadence musulmane ont érigé, à tort, le patrimoine historique et le fait coutumier d’une époque singulière ou d’une géographie  particulière en dogmes religieux inviolables. La conjugaison de la tyrannie politique dans le monde musulman, de sa paresse intellectuelle et de son mimétisme religieux des juifs et des chrétiens a gommé le sens coranique et son caractère universel. La colonisation a accentué ce gommage en aiguisant le refus du colonisateur non seulement en sa qualité idéologique et militaire, mais en sa qualité humaine et dans ses valeurs morales et sociales.

Aussi, les musulmans conscients et responsables doivent prendre leurs legs religieux avec un esprit critique, en puisant directement dans la source du Coran et dans le comportement du Prophète (QSSL) pour témoigner de la vérité et vivre dans leur réalité. Ils ne doivent pas continuer à vivre en marge du monde comme des reclus, des bannis ou des accusés qui réagissent sans peser sur leur destin et celui des autres humains. Ils doivent mettre fin au mythe du musulman parfait, car l’islam est parfait, qui les rend incapables de se prendre en charge dans un monde en mouvement et dont le mouvement est alimenté par la dialectique des crises. Pour ne plus être objet de manipulation, nous devons agir comme acteur avec nos moyens et nos ressources pour nous libérer de l’oppression et de l’humiliation dans ce monde et dans l’autre.

Plusieurs voies s’offrent à nous. Pour ma part, j’en vois quatre.

1– Régler le sens de l’allégeance et de l’appartenance. Pour l’homme cultivé et intelligent, conscient et responsable de sa vie sur terre, les sphères, registres et niveaux d’allégeance et d’appartenance sont relatifs, non exclusifs. Nous pouvons les concevoir et les vivre sans contradiction, sans schizophrénie et sans anarchie si nous parvenons à les définir, à les délimiter et à les agencer dans des priorités. Sur ce terrain, les juifs ont réglé leurs problèmes. Athées ou croyants, communs ou élite, ils parviennent à vivre en harmonie et à faire front en bloc contre l’adversité sans bruits et avec efficacité. Toutes les communautés humaines en minorité, par la loi de l’adaptation et du changement parviennent à trouver leurs marques et à vivre au sein des autres respectés et respectueux.

2– Comprendre le rapport des forces. Nous vivons dans un pays où la charité répond à des impératifs politiques et idéologiques, mais où aussi le respect accordé et la voix permise sont fonction du poids électoral, social, politique, médiatique, culturel et économique. Pour des raisons historiques, nous sommes absents sur ces terrains et nous ne pesons rien dans le rapport des forces. Le minimum requis, même si la démocratie est dévoyée par les médias, est de participer efficacement et massivement. Il ne s’agit pas d’un vote communautariste, mais d’un vote citoyen, donc utile pour la vie sociale et économique du citoyen, utile pour les libertés fondamentales, utile pour la justice, utile pour la paix. Le Halal et le Haram ont été définis d’une manière explicite par le Coran, il serait vain d’en faire des masques pour cacher notre indigence et notre paresse. On peut décider de s’abstenir de voter par acte politique et c’est un choix respectable. Le faire par motif religieux est une ignorance de la religion et une inféodation à une secte ou une allégeance à un pays étranger.

3– S’approprier le savoir et la connaissance. En qualité de musulman, je me dois de connaître un minimum du Coran pour vivre apaisé, libre et responsable. En qualité de citoyen ou de résident, je me dois de connaître un minimum de la culture, de la géographie et de l’histoire du peuple ou de la communauté avec qui je partage le temps et le lieu de vie.

4– Réclamer pour nous et pour les autres la liberté et le droit à la différence. Il ne s’agit pas dans nos rapports avec les autres, musulmans ou non musulmans, de nous focaliser sur les questions d’exégèse ou de rite, mais de liberté, de responsabilité, de savoir, de dignité humaine. Nous ne pouvons inviter à la foi que par notre pratique quotidienne de la vertu. Nous devons penser, dire et agir en termes de liberté et de responsabilité. Tous les énoncés coraniques où il est question de châtiment divin ou de jihad (lutte ou plus précisément effort sur soi) ont pour vocation la défense de la liberté et de l’expression plurielle. Seul Dieu est Un, Immuable, Absolu et Parfait avec pour corollaire tout ce qui n’est pas Dieu est divers et varié, changeant, relatif et imparfait. Nos réponses et nos positions en matière de liberté et de droit à la différence ne peuvent être tactiques, conjoncturelles ou superficielles : elles découlent du credo de notre foi monothéiste.

Tous les prophètes autorisés à prendre les armes et tous les châtiments venant du Ciel répondent au seul impératif de défendre la liberté et de refuser le monopole, y compris en matière de conscience et de pensée. L’ordre coranique de tuer les juifs n’est pas un ordre arbitraire, inique et raciste que donnerait un tyran judéophobe contre tous les juifs pour leur race ou leur religion, mais la suite logique et historique qui a été réservée à une tribu juive qui a trahi le pacte de non-agression établi avec le Messager Mohamed (QSSL), qui a comploté avec les Arabes oppresseurs et qui a tué les émissaires de paix envoyé vers eux par le Prophète. Contre les traîtres et les transgresseurs, ce ne fut pas la loi coranique qui a été appliquée, mais la loi mosaïque dure et impitoyable. Le peuple de Sodome et Gomorrhe (peuple de Loth) n’a pas été exterminé, comme le disent la Bible et certains imitateurs musulmans, pour ses méfaits moraux (homosexualité), mais pour son refus de la différence de Loth qui ne pratiquait pas l’homosexualité et qui risquait l’expulsion de la cité. Il en fut de même pour le peuple de Salah dont les élites ont confisqué les terres et l’eau pour le profit exclusif des nantis. Il en fut de même pour le peuple de Choaïb dont le peuple a été exterminé pour le monopole du commerce et l’usage frauduleux des instruments de pesage et de mesure. David a combattu les envahisseurs tyranniques (jabbarine). Résister à un ordre inique et lutter pour sa liberté et celle des autres, y compris pour la préservation de leurs lieux de culte et de leurs temples, est un principe coranique universel que pratiquent tous les hommes épris de liberté et de justice. C’est ce que nous voyons en Palestine et ailleurs dans le monde. Le châtiment divin frappe aussi tous les hommes et tous les pouvoirs qui ont une dérive démiurge, comme Pharaon.

Au lieu de verser dans des formulations infondées et tendancieuses, les signataires du manifeste auraient trouvé plus d’écho et meilleure écoute s’ils n’avaient pas reproduit une fois de plus le monopole de la souffrance du peuple juif, comme si les autres peuples n’ont pas de souffrance, comme si les juifs de France ne sont pas confrontés aux mêmes problèmes que les autres Français. Le moment et les propos du manifeste du nouvel antisémitisme mettent l’accent sur les clivages et les haines, et à ce titre, ils ne servent ni les intérêts de la République ni ceux de la démocratie, ni ceux de la liberté, ni ceux de l’impartialité et de la neutralité de la justice.

Les défenseurs laïcistes de la République et les pourfendeurs islamistes de la République tombent dans le même travers psittaciste qui consiste à répéter inlassablement, comme des perroquets savants, le même discours, alors que la réalité, la vérité et le contexte les contredisent.

Selon l’expression de Malek Bennabi, le côté pile et le côté face de la même fausse monnaie intellectuelle peuvent représenter deux figures différentes, mais représenter le même symbole de l’échange ou de l’accord. Ces termes de l’échange ou de l’accord nous les avons vus et nous continuons de les voir dans les agissements des terroristes pseudo-islamistes qui terrorisent les populations musulmanes, mais qui ne mènent aucune attaque verbale ou physique contre l’occupant sioniste. Les uns et les autres pratiquent l’art de la diversion dans leur propre camp et avec leurs propres rhétoriques.

En France, les élites musulmanes participent au même psittacisme : bavarder et se disputer des rentes de positions sociales ou intellectuelles, alors qu’aucune action sérieuse de pédagogie ou d’édification civilisationnelle (fondation caritative, institut de formation, magazine, édition…) n’a été entreprise. La présence musulmane et arabe en France ne laisse que peu de traces dans la société française moderne, malgré sa présence séculaire. Le nombre de convertis est négligeable.

Il y a quand même des questions qui interpellent la conscience : les Français sont restés en Algérie 132 ans et n’ont pratiquement rien pris de nous, à part les matières premières. Nous sommes en France depuis longtemps et nous n’avons rien pris de ce qui a fait la grandeur de la France, à part ses boniments de friperie. Malek Bennabi disait que le colonialisme est une double malédiction, pour le colonisateur et pour le colonisé, les deux perdent leur compétence à civiliser ou à se civiliser. Pour ma part, j’ai l’impression que chacun, mû par son intérêt de survie, n’a pris que les choses de l’autre, et dans sa cupidité, il a emprunté les travers de l’autre. Vivant l’un à côté de l’autre et l’un dans l’autre, nous ne vivons pas l’un avec l’autre et nous ne produisons que de la répulsion mutuelle comme des pôles aimantés de même sens.

Conclusion

La loi coranique suprême stipule que «quiconque attente, sans droit, à la vie d’un homme, c’est comme s’il avait attenté sur l’humanité entière».

Cette loi est universelle. L’unique dérogation est le droit de défendre la vie ou la liberté lorsqu’elles sont menacées ou bafouées. Le  seul droit est celui de la légitime défense, celui de la résistance contre un envahisseur, celui de la lutte contre un oppresseur usant de violence ou celui d’un acte de justice rendu par un tribunal légal et constitué qui accorde au justiciable toutes les garanties pour se défendre ou d’être défendu.

En matière de justice, le Coran autorise la peine de mort comme had, c’est-à-dire limite supérieure qu’il ne faut pas transgresser, et il recommande le pardon et la remise de peine s’il y a repentir.

Le fanatique qui tue au nom de Dieu ou de la religion est un criminel qui doit répondre de ses actes devant un tribunal et nul autre que lui ne doit porter le fardeau de son crime. Le fanatique qui impute à quelqu’un la responsabilité du crime commis par un autre est criminel lui aussi, car son faux témoignage peut conduire au meurtre et à l’iniquité envers un homme ou une communauté d’hommes. Celui qui parvient à me prouver que le Coran dit le contraire, je m’engage à échanger ma foi contre la sienne et à faire du sionisme l’amour de ma vie.

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