Près de quatre ans après l’envoi des troupes françaises de l’opération Serval destinée à stopper la progression des groupes djihadistes du nord-Mali vers le sud, les autorités maliennes ne sont pas parvenues à endiguer le terrorisme. Pire, la menace s’étend désormais au centre et au sud du pays.
Malgré la signature finale des accords de paix en juin 2015 et l’amorce d’un processus de réconciliation, le pays demeure en proie à d’importants problèmes d’insécurité. Au nord, notamment le long de la frontière algérienne, des pans entiers du territoire restés hors de contrôle de l’Etat sont le théâtre d’attaques terroristes régulières contre les symboles de l’autorité centrale et les forces internationales.
Pleïade de groupes armés
Le groupe Ansar Eddine dont le puissant leader touareg, Iyad Ag Ghali, exerce encore une influence considérable dans la région, revendique l’essentiel des violences commises dans cette partie du pays. Outre l’armée malienne et les soldats français, l’Onu paye un lourd tribut au Mali où les casques bleus de la Minusma ont essuyé un nombre record de pertes humaines dans l’histoire récente des opération de maintien de la paix.
Actif dans toute la région du Sahel, le groupe Al-Mourabitoun rallié à AQMI sous la houlette du chef djihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar a par ailleurs revendiqué l’attaque menée à Bamako contre l’hôtel Radisson Blu en novembre 2015 avant de frapper le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire en janvier et mars 2016.
Désormais, les regards se tournent aussi vers le sud du pays où le conflit s’est déporté. Depuis mi-2015, les épisodes violents se sont multipliés au centre du territoire dans la région de Mopti où une constellation de mouvements armés hétéroclites a vu le jour. La katiba « Macina », une extension d’Ansar Eddine créée dans le sud du Mali et composée essentiellement de combattants peuls a notamment mené plusieurs attaques le long des frontières avec le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire.
De plus en plus gagnés par l’extrémisme, les communautés peules majoritaires dans cette région sont devenus les principaux acteurs de ce nouvel épicentre de la crise. Fondés sur une base communautaire pour défendre les intérêts des peuls contre certains segments de populations sédentaires avec lesquelles elles sont en compétition pour l’utilisation des terres, certains groupes armés sont soupçonnés de servir de blanchisseuses pour d’anciens combattants djihadistes. C’est le cas par exemple de l’association Dewral Pulaaku. Créée en 2014 par des nomades de la région du Hayré, ce groupe présidé par un ancien du Mujao compte dans ses rangs des hommes qui avaient pris les armes en 2012 contre les exactions du MNLA dans les camps des groupes jihadistes à Gao.
La France embourbée
Une instabilité omniprésente qui aggrave et met en exergue les difficultés pour les militaires français à maintenir leur légitimité et les équilibres stratégiques entre les différents groupes sur le terrain.
Pris en étau entre les exigences des autorités de Bamako et leurs alliances traditionnelles avec les groupes touaregs du nord, les militaires français font face à un terrain miné. Longtemps proches des rebelles touaregs de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), l’armée française a récemment pris ses distances avec ses anciens alliés qu’elle soupçonne de collusions avec les groupes terroristes. Un divorce qui lui a récemment valu de faire l’objet d’une campagne de dénigrement dans les régions du nord du pays. Le matériel sophistiqué utilisé lors de l’assassinat du chef touareg Cheikh Ag Aoussa a notamment généré des soupçons sur l’implication de l’armée française parmi les populations nord-maliennes. En avril dernier, une vague d’arrestations menées par des soldats français à la recherche d’éléments terroristes à Kidal a par ailleurs provoqué des manifestations anti françaises encouragées par certains éléments de la CMA et particulièrement le Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) composé d’anciens lieutenants d’Ansar Eddine.
Une difficulté supplémentaire à laquelle s’ajoute le jeu trouble de l’Algérie voisine qui n’a jamais vu d’un bon œil le déploiement de soldats français sur ce territoire qu’elle considère comme son aire d’influence stratégique. Selon une source sécuritaire malienne, les déplacements d’Iyad Ag Ghali de part et d’autre de la frontière entre le nord Mali et l’Algérie où il possède une propriété pourraient être facilités par des complicités algériennes.
A cette instabilité sur le terrain s’ajoute un contexte politique tendu. Le président Ibrahim Boubacar Keïta dont l’élection en 2013 avait été soutenue par Paris n’a pas réussi à rétablir l’unité territoriale promise pendant sa campagne. De plus en plus impopulaire, le chef de l’Etat voit sont image et celle des différents gouvernements qui se sont enchaînés sous sa présidence, ternie par plusieurs affaires de corruption et de prosélytisme. De quoi sérieusement assombrir le tableau que devront dresser, mi janvier, les chefs d’Etat conviés au sommet Afrique-France.
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