Du Guatemala à la Mauritanie, « voleurs, rendez nous l’argent »

La démission forcée, le 2 septembre 2015, du président du Guatemala, Otto Perez, mis en cause par la rue aux cris de « voleurs, rendez nous l’argent », pourrait bien faire école. Il n’est pas le seul chef d’Etat en effet à avoir été mis en cause dans des trafics douaniers, le principal grief qui lui était reproché par une opinion en colère. Le cocktail à l’oeuvre au Guatemala où l’on a vu une union sacrée entre la société civile, une poignée de juges et une ONG courageuse soutenue par l’ONU serait en effet explosif pour de nombreux régimes gangrenés par la corruption.

Des droits très « compromis »

A cet égard, la Mauritanie qui importe une partie de sa consommation interne via les deux grands ports de Nouakchott et de Nouadhibou constitue un formidable laboratoire en matière de pillage des revenus douaniers au profit de quelques clans prédateurs protégés par le régime du président Aziz, au pouvoir depuis 2008. Ce constat, certains chefs de l’opposition en Mauritanie le dressent publiquement. Le 22 septembre 2015, le président de l’Union des Forces de Progrés (UFP), Mohamed Ould Maouloud,avait dénoncé sur le site d’information « Cridem », le détournement des droits portuaires par les proches du régime.  » Un petit cercles d’amis du régime utilise les appels d’offre en apparence ouverts pour s’approprier les marchés publics. Ces privilégiés se débrouillent pour fausser les rêgles du jeu. Les bateaux de leurs concurrents ne sont pas chargés à temps et les tarifs douaniers qui leur sont appliqués sont plus élevés. Et de conclure sur l’existence d’un « système maffieux ».

La surprise vient de la collaboration sans faille des douanes mauritaniennes connues pour leurs dérives avec le FMI, la Banque mondiale ou l’ONU. Ces grandes institutions internationales seraient-elles à ce point aveugles? Rien de plus simple en effet que de constater dans les comptes officiels quxquels elles ont accès l’explosion des « droits compromis », le terme officiel qui englobe l’ensemble des taxes douanières qui n’ont pas été recouvertes et payées. « Il suffit, confirment des responsables douaniers mauritaniens, de comparer les quantités de marchandises annoncées au départ pour obtenir des crédits ou des transferts de devises de la banque centrale, avec les montants efffectivement enciassés à l’arrivée ».

Le FMI et la Banque mondiale ont-ils oublié d’effectuer ces additions? Ou ont ils décidé de fermer les yeux? Le discours officiel sur la bonne gouvernance n’est pas apparemmetn suivi d’effets en Mauritanie, même si au Guatemala on a vu une ONG financée par l’OUN particulièrement combative.

Un général à la manoeuvre

Pour veiller sur ce mégot douanier,le président mauritanien Aziz a promu à la tète des douanes un gradé, Dah Ould el Mamy, qu’il a élevé en 2012 au rang de général de brigade. La rue mauritanienne s’amuse de l’irrésistible ascesion du pation des douanes que certains médias officiels donnent comme un des possibles successeurs du chef de l’Etat dans l’hypothèse (assez improbable) où il ne se représenterait pas en 2019. « Chacune des étoiles du général, dit-o, à Nouakchott, vaut des centaines de milliards d’ouyagas, l’équivalent des droits « compromis » constatés chaque année depuis sa nomination ».

Coup de tonnerre en 2014, les douanes écartent la SGS, une société de surveillance suisse qui est jugée trop curieuse. Ainsi le contrat de ce groupe qui avait été avalisé par le FMI pour renforcer la transparence des transactions douanières a été purement et simplement annulé. Disons qu’au siège de la SGS en Suisse, le régime mauritanien ne compte pas que des amis.

Au pays enchanté du président Aziz, les mots n’ont plus guère de sens. Les médias officiels présentent en effet le patron des douanes comme un parangon d’honnêteté et de bonne gouvernance qui aurait renfloué le budget de l’Etat. Pour se feraire une virginité, le bon général affiche régulièrement des objectifs de lutte contre « la criminalité transfrontières ». Autrement dit, ses services s’en prennent aux populations pauvres de la Mauritanie de l’intérieur qui s’assurent quelques maigres ressources par de peits trafics avec le Mali ou le Sénégal voisins. Le petits trabendistes paient pour les gros trafiquants. Du classique!

« Les frères des droits compromis »

La Mauritanie comptait, voici dix ans, plus d’une centaine de sociétés d’import export dont la plupart ont fait faillite. Seuls ont survécu les amis du pouvoir comme les Ghodde, deux neveux du chef de l’Etat qui sont surnommés dans Nouakchott « les frères des droits compromis ».

Un autre ami du pouvoir et ancien consul, Hamady Ould Bouchraya, est  devenu incontournable sur un certain nombre de marchés d’import export comme le lait, le riz ou le matériel scolaire. D’après le site d’information Cridem, le même forban s’est mêlé plus récemment de vendre du minerai de fer aux Chinois pour neuf dollars la tonne alors qu’il vaut quatre fois plus. Qui a empoché la différence? Où sont les profiteurs? Une certitude, l’opération a été pilotée d’en haut.

Le grand coup de balai qui a vu le président du Guatemala balayé par la comère populaire aura-t-il lieu en Mauritanie? Possible, compte tenu des témoignages spontanés qui émanent d’une administration choquée par le pillage des ressources du pays.

Voici quelque mois, un diplomate mauritanien reconnu avait mis en garde le président Aziz sur le risque de soulèvement populaire, depuis le printemps arabe, contre les dirigeants soupçonnés de malversation. Il parait que le chef de l’Etat avait préféré changer de sujet! On le comprend….

 


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