Singapour : La légende dorée du Raffles

Certains détestent Singapour, trouvent que la ville n’a pas d’âme. Il est vrai que la mondialisation ne l’a pas épargnée et qu’entre la destruction des maisons de pêcheurs de Clarke Quay, la normalisation progressive de quartiers comme Little India et Chinatown, la construction récente de tours et d’hôtels évoquant le pire de Las Vegas et Dubaï, et la multiplication des galeries d’art contemporain, cette mégapole a perdu une part non négligeable de ce qui faisait son mystère et son charme. Il n’empêche que l’on y retourne avec toujours autant d’excitation, parce que cette ville-état a inspiré les écrivains-voyageurs anglais du XXème siècle, parce que le cinéaste Peter Bogdanovitch y a tourné le chef-d’œuvre Saint Jack, parce qu’elle ne ressemble à aucune autre et, enfin,  parce que l’on y fait toujours des rencontres intéressantes. Si l’offre hôtelière est conséquente— carrefour aérien majeur et place financière éminente, obligent—, on ne saurait dormir ailleurs qu’au Raffles, créé en 1887 par les frères Sarkies à qui l’on doit également le Strand de Rangoun, et ainsi dénommé en hommage au fondateur de la ville : Sir Thomas Stamford Raffles.

Ayant débuté comme un petit hôtel de plage offrant, à peine, dix chambres, le Raffles s’est transformé en palace dès 1899, avec l’érection d’un nouveau bâtiment doté d’équipements alors révolutionnaires comme des lustres à ampoules et des ventilateurs électriques. D’Ernest Hemingway à Michael Jackson en passant par Charlie Chaplin, tout le monde a dormi dans cet établissement qui a subi deux ans de travaux très importants, entre 1989 et 1991 et qui a continué d’être amélioré depuis, par petites touches, sans jamais perdre son cachet de trésor de l’architecture coloniale.

L’emplacement. Urbanisation aidant, l’hôtel, bien que toujours situé au 1 Beach Road, n’est plus au bord de l’eau mais au cœur du centre commercial et financier de la ville, soit à vingt minutes de taxi de l’aéroport, à deux minutes d’Orchard Road, qui fut longtemps les Champs-Elysées de Singapour, et à cinq minutes de la marina.

La suite. Depuis 1991, il n’y a plus que des suites au Raffles; ce qui veut dire que même quand l’hôtel est au bord d’afficher complet, on ne risque pas de finir dans un cagibi. Si la décoration fut toujours moderne et épousa le style de chaque époque, jusqu’aux années 70, le charme des « nouvelles » suites vient de leur mobilier merveilleusement désuet qui évoque les débuts de l’établissement.

Dès l’entrée de gamme, à savoir les Courtyard Rooms, on trouve douche et baignoire en marbre dans la salle de bains, petit salon et salle à manger, coffre électronique et dressing avec un grand comptoir surmonté d’un miroir latéral, idéal pour s’habiller et se coiffer. Le service, assuré par un majordome attitré, est excellent et ajoute au charme rétro de ces suites qui furent habitées par Somerset Maugham, Joseph Conrad, Rudyard Kipling, mais aussi nombre d’acteurs et hommes d’états fameux.

Le restaurant. Du petit déjeuner copieux et proposant, en plus des viennoiseries, charcuteries, fromages et fruits habituels, de nombreuses salades et plats cuisinés, au dîner de grillades et fruits de mer dans son Long Bar Steak House, on mange plutôt bien au Raffles. Mais ce qui rend les différentes tables de l’hôtel irrésistibles, ce n’est pas tant leur cuisine que leur décor. A savoir les moulures et tentures surannées de la Tiffin Room, adjacente au Writers Bar; les chaises en bois, les poutres et le carrelage rustiques du Long Bar Steak House ; le parquet et les ventilateurs à pales du Bar & Billiard Room ; et, quand le temps le permet, les tables de jardin dressées dans le patio.

Équipements sportifs. Ce n’est pas le point fort de l’établissement mais cela a pour avantage de garantir à tous ceux que cela horripile, qu’ils ne croiseront pas des hommes et des femmes moulés de lycra détrempé de sueur dans les couloirs. Reste une jolie piscine découverte, assez grande pour faire des longueurs.

Le spa. On ne l’a pas essayé mais il ne semble pas non plus que ce soit le point fort de l’établissement.

Le bar. Le Raffles abrite l’un des bars les plus célèbres de la planète : le Long Bar où Ngiam Tong Boon inventa le Singapore Sling. Certes, comme l’Olympia à Paris, ce n’est plus un authentique vestige historique, vu qu’il a été déplacé du hall d’accueil à la galerie marchande ajoutée au bâtiment, mais on aurait tort de se priver d’aller y boire quelques cocktails.

On aime. Prendre son petit-déjeuner sur le balcon de la suite et, plus généralement, le fait que l’établissement soit si classique qu’il décourage tous les gens effrayants —nouveaux riches, familles bruyantes, victimes de la mode— d’y séjourner.

On déteste. Rien, bien sûr. Car de l’accueil par le charmant Sana, à la suite, en passant par le lobby monumental et les couloirs que traversa David Bowie en costume et panama blancs pour quelques plans du film Ricochet en 1983, le Raffles continue d’être notre hôtel favori dans le monde, talonné de très près par l’Oriental de Bangkok.

Bilan. Le Raffles doit subir une nouvelle série de restaurations en trois phases, étalées entre mars 2017 et mars 2018. Il faut donc se précipiter pour le visiter car on ne sait jamais de quoi sont capables les nouveaux propriétaires. Prions, en attendant, pour qu’ils ne mettent pas de machine Nespresso dans les chambres, ne fassent pas appel à un designer à la mode pour remodeler suites et parties communes, et ne confient pas les restaurants à un chef triplement étoilé qui risque d’attirer médias, foodistas et autres têtes à claques du blogging ; ainsi, cet établissement qui justifie, à lui seul, l’escale à Singapour, aura encore quelques beaux jours devant lui.

Y Aller. Par le vol direct Paris/Singapour de Singapore Airlines, bien sûr, la première compagnie au monde à s’être équipée de plusieurs Airbus A380-800, et toujours l’une des trois meilleures pour le service, assuré par des hôtesses d’une beauté et d’un charme surnaturels. A partir de 3500 € l’A/R en business class.

singaporeair.com

Raffles Hotel.

1 Beach Rd, Singapour 189673

Téléphone : +65 6337 1886

raffles.com/singapore/

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