Plusieurs arrêtés pris en application de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances ont été attaqués devant le Conseil d’État par de jeunes notaires. Ils estiment que la loi Macron a été dévoyée et que leurs chances de pouvoir s’installer sont limitées.
Les jeunes notaires contestent l’application de la loi Macron. Plusieurs arrêtés pris en application du texte ont été attaqués par de jeunes notaires, furieux de voir la loi qui devait leur ouvrir plus largement les portes de cette profession, d’après eux dévoyée. Ces arrêtés prévoient la création de 1002 nouveaux offices notariaux d’ici 2018, susceptibles d’accueillir 1650 nouveaux professionnels. Ils doivent être répartis selon une carte établie par l’Autorité de la concurrence, qui divise le territoire en 247 zones dans lesquels les candidats ont été appelés à postuler.
Là où le bât blesse, selon ces jeunes notaires désireux de se mettre à leur compte, c’est que l’un de ces arrêtés a autorisé les sociétés, donc les notaires déjà installés, à postuler, alors qu’ils espéraient être les seuls à pouvoir prétendre à ses nouvelles places. Afin de départager les quelque 30.000 inscriptions recensées par le ministère de la Justice, un autre arrêté a prévu l’organisation de tirages au sort, dans chacune des 247 zones. Dans toutes, en effet, la demande excède l’offre. Et les jeunes notaires craignent fort d’être finalement minoritaires parmi les heureux élus qui seront désignés par le sort. Ces deux arrêtés, ainsi que celui rendant publique la carte des nouveaux offices pourront être créés, sont désormais contestés devant la justice administrative.
Promouvoir les jeunes
À la mi-décembre, le Conseil d’État a suspendu le tirage au sort organisé par le ministère de la Justice, déplorant l’absence de «règles qui permettent de s’assurer de la régularité de la procédure, tout au long de son déroulement». Un véritable camouflet pour la Chancellerie, qui prendra d’ici quelques jours un nouvel arrêté répondant aux critiques du Conseil d’État. L’institution se prononcera ultérieurement sur la légalité de ce tirage au sort. Ce vendredi, elle examinait parallèlement la légalité de l’arrêté du 9 novembre 2016 autorisant les sociétés à postuler aux offices notariaux nouvellement créés. Le Conseil d’État devrait rendre sa décision, cruciale pour l’avenir des jeunes professionnels, jeudi ou vendredi prochain.
«L’intention du législateur était manifestement de promouvoir les jeunes diplômés dépourvus d’offices», et non ceux qui sont déjà installés, a plaidé lors de l’audience la représentante de Jean-Charles Persico, diplômé notaire et président de l’association pour la liberté d’installation des diplômés notaires (LIDN).
Revenu en hausse de 60% sur dix ans
Le problème de l’accès à la profession est en effet criant: alors que 12.000 professionnels ont été diplômés ces dix dernières années, le nombre d’offices notariaux est resté stable sur cette période. En février 2016, seuls 8625 notaires exerçaient en libéral. Le nombre de notaires salariés a de son côté progressé (ils étaient près de 8000 à la même date) sans pour autant parvenir à absorber le nombre de nouveaux diplômés. L’Autorité de la concurrence pointe la fermeture de l’accès à l’exercice libéral du notariat, entièrement aux mains de la profession. En 2015, seules 15 offices ont été créés et attribués par le biais d’un concours. Près de 380 sont en revanche cédés chaque année, mais dans ce cas, le successeur est choisi par le notaire partant lui-même… La hausse des transactions immobilières a permis aux notaires de percevoir des revenus croissants ces dernières années, qu’ils n’ont pas eu à partager avec de nouveaux venus. Entre 2001 et 2010, le revenu moyen des offices notariaux a ainsi crû de 60,8%!
Pour la LIDN, le nombre très important de candidatures déposées en décembre dernier montre bien que les notaires en place refusent de céder un bout de leur part de gâteau. Le Conseil supérieur du notariat, de son côté, assure vouloir accueillir de nouveaux venus, mais déplore ne pas avoir eu le temps de faire «la pédagogie nécessaire» auprès de ses membres.
Impossible, de toutes façons, de savoir quelle est la proportion respective de sociétés et de jeunes notaires dépourvus d’offices ayant candidaté. Le ministère de la Justice, qui seul dispose de la liste de ces 30.000 inscriptions représentant quelque 7500 candidats, a affirmé lors de l’audience être incapable d’en faire le décompte. «Le gouvernement ne veut pas, pour des raisons politiques, que la loi Macron prenne effet pour les notaires, avance Pierre Thiollet, diplômé notaire à l’origine d’un de ces recours devant le Conseil d’État. Il est dommage que nous en fassions les frais».